Légendes du Monde

Le Roi et les Cambrioleurs

Origine: Inde

Autrefois, les rois et les princes avaient l’habitude de se déguiser et de parcourir les rues de leurs villes, à la fois pour chercher des aventures et pour apprendre les habitudes et les opinions de leurs sujets. Une nuit, le célèbre sultan Mahmoud de Ghuzni se déguisa et, prenant l’apparence d’un voleur, sortit dans les rues. Il tomba sur une bande de cambrioleurs notoires et, se joignit à eux en leur disant : “Si vous êtes des voleurs, moi aussi je suis un voleur ; alors allons-y et tentons ensemble notre bonne fortune”.

Ils furent tous d’accord. “Qu’il en soit ainsi, dirent-ils, mais avant de nous mettre en route, comparons nos points forts, et voyons qui possède le meilleur et qu’il soit notre capitaine.”

“Mon point fort, dit l’un d’eux, c’est mon ouïe. Je peux distinguer et comprendre le langage des chiens et des loups.”

“Le mien,” dit le suivant, “est mes mains, avec lesquelles je suis si entraîné que je peux envoyer un grapping jusqu’au sommet des plus hautes maisons.”

“Et la mienne,” dit un autre, “est la force de mes bras. Je peux défoncer n’importe quel mur et me frayer un chemin à travers, aussi solidement construit soit-il.”

“Mon principal atout”, dit le quatrième, “est mon odorat. Montre-moi une maison, et je te dirai si elle est riche ou pauvre, si elle est pleine ou vide.”

“Et le mien”, dit le cinquième brigand, “c’est mon acuité visuelle. Si je rencontre un homme dans la nuit la plus noire, je peux le détecter et le voir comme en plein jour.”

Le roi prit alors la parole et dit : “Mon point fort est ma barbe. Il suffit que je remue ma barbe pour qu’un homme condamné à être pendu soit immédiatement libéré.”

“Alors tu seras notre capitaine !” s’écrièrent aussitôt tous les brigands, “puisque la pendaison est la seule chose dont nous ayons peur.”

“Le roi fut donc choisi à l’unanimité comme chef, et les six compagnons se mirent en route. La maison qu’ils convinrent de dévaliser cette nuit-là était le palais du roi. Lorsqu’ils arrivèrent sous les murs, un chien surgit soudain et se mit à aboyer.

“Que dit-il ?” demanda l’un d’eux.

“Le chien dit, que le roi lui-même est dans notre groupe.” dit le brigand à l’oreille fine

“Alors le chien ment,” répondit un autre, “car c’est impossible.”

Le voleur, qui était si habile de ses mains, lança une échelle de corde, qui s’attacha à un balcon élevé, et permit au groupe de monter au sommet de l’une des maisons.

“Est-ce que tu sens de l’argent ici ?” dit l’un d’eux au voleur dont l’odorat était sa principale fierté.

L’homme se mit à renifler sur tout le toit, et finalement dit : “Ce doit être le logement d’une pauvre veuve, car il n’y a ni or ni argent ici. Continuons.”

Les voleurs se glissèrent alors prudemment le long des toits plats des maisons jusqu’à ce qu’ils arrivent à un mur imposant, richement sculpté et peint, et le voleur à l’odeur vive se remit à sentir. “Ah !” s’exclama-t-il, “nous y sommes ! C’est la maison du trésor du roi. Ho, bras fort, ouvre un passage !”

Le voleur au bras fort entreprit alors de déloger les boiseries et les pierres, jusqu’à ce qu’il ait enfin percé le mur et réussi à entrer dans la maison. Le reste de la bande le suivit rapidement, et leurs recherches furent récompensées par les coffres pleins d’or qu’ils trouvèrent là, et qu’ils firent sortir par l’ouverture et emportèrent. Bien chargés, ils se hâtèrent tous, d’un commun accord, de rejoindre l’un de leurs repaires favoris, où le butin fut partagé, le roi recevant lui aussi sa part avec les autres, tandis qu’il s’informait des noms des brigands et apprenait leurs lieux de résidence. Après cela, comme la nuit était bien avancée, ils se séparèrent, et le roi rentra seul dans son palais.”

“Le lendemain matin, le vol fut découvert et la ville quadrillée par les officiers de justice. Mais le roi, sans mot dire, se rendit dans sa salle d’audience, où il prit place comme à l’ordinaire. Il s’adressa alors à son ministre, et lui dit d’envoyer arrêter les voleurs. “Va dans telle et telle rue, dit-il, dans le quartier bas de la ville, et là tu trouveras la maison. Voici les noms des malfaiteurs. Qu’on les conduise devant le juge et qu’on les condamne, puis qu’on les présente ici.”

Le ministre sortit aussitôt, et il se rendit avec des subalternes dans les rues en question, trouva et arrêta les voleurs, et les conduisit devant le juge. Comme les preuves de leur culpabilité étaient concluantes, ils firent des aveux complets et implorèrent la clémence, mais le juge les condamna tous à être pendus et les envoya devant le roi. Dès qu’ils parurent, le roi les regarda sévèrement et demanda ce qu’ils avaient à alléguer pour que leur sentence ne soit pas exécutée. Ils se mirent tous à s’excuser, à l’exception de celui qui avait le don particulier de reconnaître le jour ceux qu’il avait rencontrés la nuit. Celui-ci, regardant fixement le roi, s’écria, à la surprise de ses camarades : “Le moment est venu de remuer la barbe.”

Le roi, entendant ses paroles, remua gravement la barbe pour donner le signal que les bourreaux devaient se retirer, et ayant ri de bon cœur avec ses connaissances fortuites de la nuit précédente, il leur fit un bon festin, leur donna quelques bons conseils, et les rendit à la liberté.

La morale de cette histoire est la suivante : “Le monde entier est dans les ténèbres et quand vient le jour des difficultés, il n’y a aucun pouvoir plus puissant que celui de reconnaitre Dieu lui-même”.